A quoi rêvent les ouvriers ?
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Comment parler du travail quand il se fait rare ? Quel imaginaire occupe le travail quand il fait défaut ? Le monde du travail dont je parle est celui de l'usine, où l'ouvrier qualifié possède un savoir-faire, une connaissance des processus de fabrication, attelé à la chaine. Un ouvrier qui se sent appartenir à une classe sociale. Classe encore nombreuse dans les années 1970, et qui peine aujourd'hui à exister dans le fracas de la désindustrialisation. Le monde ouvrier paie le prix fort à la mondialisation libérale. Les plans de licenciement massif ont égrené la Une des journaux avant d'être relégués dans les pages intérieures. On a même changé le vocabulaire pour parler de Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) quand une usine est liquidée et ses salariés laissés sur le carreau. Ces usines ont façonné les territoires, dessiné les faubourgs des villes et écrit l'histoire humaine de ses habitants. Les friches industrielles deviennent les monuments de ce passé. Passé que l'on regarde avec la nostalgie du plein emploi. On oublie volontiers la dureté des conditions de travail pour se rappeler la solidarité qu'il existait entre les ouvriers. Mythe ou réalité, ce monde fait partie de nos imaginaires, de nos récits nationaux. À quoi rêvent les ouvriers, c'est poser la question de notre rapport au travail. Doit-on travailler pour vivre ou vivre pour travailler, autrement dit, si nous avions un moyen de subsistance sans la nécessité du travail, que ferions-nous ? Voire que serions-nous ? Le rapport au travail est une question existentielle. L'usine est aussi le lieu de la sociabilité, on y noue des amitiés, parfois on y rencontre son conjoint, on y croise aussi l'altérité, une autre culture que la sienne. C'est un lieu de vie où l'on vient la gagner pour subvenir aux besoins de sa famille et s'y construire un avenir. C'est l'endroit où l'on passe une grande partie de son existence. On s'y forge des joies et des peines, les corps mémorisent les stigmates du travail.

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