Les Normands filment la guerre

Les films tournés par des particuliers relèvent principalement de la sphère privée et sont complémentaires aux archives officielles. Alors que gronde l’orage de la guerre, les images de famille tournées dans les années Trente montrent une société encore dans l’illusion de la paix.

Au Havre, les “journées de la Marine” de juin 1939 affirment la puissance militaire de la France. À l’aube d’un troisième conflit en moins d’un siècle avec l’Allemagne, il est alors impensable d’imaginer la défaite.

C’est le quotidien de la troupe encasernée au quartier Lorge à Caen que l’on entrevoit dans cette archive de 1937. Le service militaire est un point de repère essentiel dans la vie des Français. Le conscrit des années Trente est perçu en digne héritier de celui de la Grande Guerre. Illusion fatale, la ligne Maginot est réputée infranchissable.

Le samedi 2 septembre 1939, comme tous les Français, les habitants de Gisors dans l’Eure  découvrent placardés sur les murs de leur ville, “l’ordre de mobilisation générale”. La veille, Hitler a attaqué la Pologne sans déclaration de guerre. Le 3 septembre, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne. Tous les hommes de 21 à 50 ans doivent répondre à l’appel. Nos alliés britanniques débarquent dans les ports normands.

La guerre déclarée, les Normands mobilisés rejoignent leurs centres mobilisateurs. C’est le cas de Pierre le Bihan, grainetier à Conches-en-Ouche dans l’Eure, brigadier-chef affecté au 329ème régiment d’artillerie tractée. Il est envoyé renforcer le secteur défensif des Flandres près de la frontière belge. De septembre 1939 à mai 1940, pour les soldats pas de grande offensive, c’est la drôle de guerre et son lot d’inaction. On attend derrière la ligne Maginot.

Le dimanche 12 mai 1940 à Gisors dans l’Eure, Jacqueline Bignon fait sa première communion. Fernand, son père, filme ce moment majeur dans la vie de sa fille tant aimée. Il capte en filigrane la vie des Gisorsiens lors des semaines de la campagne de France et de “l'étrange défaite”. En arrière-plan de la communion, on voit des colonnes de véhicules. Ce sont les réfugiés hollandais, belges, luxembourgeois mais aussi du Nord de la France qui traversent le gros bourg de l’Eure. Un million de réfugiés affluent dans le département.